Entête Si Chalabre m'était conté

Un drôle de paroissien

Le communard tricolore

portrait de Amouroux

Charles Amouroux, ancien ouvrier chapelier, fut membre de la commune de Paris.
Il est né le 24 décembre 1843 à Chalabre, dans la maison située à l’angle de la rue des Pénitents Blancs et du cours d’Aguesseau, (plaque n°22 installée par l’association « il était une fois »).
Le père Jean-François était apprêteur de drap. Cette industrie était au plus mal depuis juillet 1837, où des manifestations contre la « Jenny » furent violentes, reprochant à cette dernière de créer du chômage. L’industriel Gaudy dégoûté transporta sa fabrique à Lavelanet. Un autre gros fabriquant de drap, Anduze Faris, était en disgrâce avec le préfet. Il fut même limogé de son fauteuil de maire.
Chalabre était gouverné par un « cul blanc ». Les idées révolutionnaires de Jean-François (le père) n’étaient pas bien vues. Il fut, de ce fait, parmi les licenciés. La maman Anne faisait de la couture. L’argent faisait défaut, d’où la difficulté de faire cuire la marmite.


La 2ème République fut proclamée le 24 février 1848.

Ce fut la république la plus courte de l’histoire de notre pays. Elle dura jusqu’au 2 décembre 1851. Mais, elle a instauré le suffrage universel masculin et abolie l’esclavage dans nos colonies.
La famille Amouroux quitta Chalabre cette année-là et « monta à Paris » dans le IV°.
Alors que Charles était ado, l’empire prit une tournure opposée à son idéal.
Il n’avait que 19 ans, alors que nous le retrouvons à Nantes en 1863 (pendant ce temps, le Capitaine Danjou laissait la vie à Camarón au Mexique). Charles était là pour organiser une association ouvrière. Il se lança dans le syndicalisme, pensant que cette forme d’action fut un remède. Il fallait en priorité abattre l’empire !
Très vite recherché par la police impériale, il se réfugia dans la clandestinité, apparaissant et disparaissant comme un fantôme.
Nous retrouvons Charles Amouroux à Paris en 1865. Ce jeune orateur défendit les intérêts du peuple contre la montée du capitalisme, protégé par un assoiffé de gloire et d’honneur en la personne de Napoléon III.
Amouroux, dans cette période, était déjà gagné aux idées socialistes qui imprégnaient les milieux ouvriers. Il montait dans les tribunes et devenait ardent orateur. Il avait la parole vive, stridente et tranchante. Il était sincère, idéaliste, et prêt à tout.
La police le signala comme « ardent républicain, orateur assidu des réunions publiques, libre penseur, et surtout : excitait les ouvriers contre les patrons. Il se serait fait alors une position dans le parti révolutionnaire extrême. On le dit même en communauté d’idée avec le parti de Blanqui-Tridon »
Il fit l’objet de plus de 10 condamnations, pour des interventions musclées dans les réunions publiques.
La première condamnation fut de 4 mois de prison, puis en décembre 1869 et mars 1870 pour rébellion contre un commissaire de police, dans une réunion publique de Belleville et pour outrage au chef de l’Etat. L’amnistie rétroactive du 15 août 1869 lui rendit la liberté. Il crut prudent de se réfugier à l’étranger.
Il avait écrit dans « le Réveil » et « la Marseillaise », très connus dans les milieux populaires pour son engagement contre l’Empire.
Il parti donc quelques mois en exil en Belgique, pour échapper à la police impériale.
Napoléon III déclara le 19 juillet 1870 la guerre à la Prusse de Guillaume 1er. Cette guerre est mal connue. Elle a pourtant permis l'unification des états allemands. S’étant associés à la Prusse, ils voulaient rétablir le régime républicain en France.
La guerre commença en juillet dans les régions d’Alsace et de Lorraine. Très vite, l'armée allemande prit l'avantage sur l'armée française du Rhin, commandée par le maréchal Bazaine le héros du Mexique, qui fut refoulée et assiégée dans Metz. Une deuxième armée, sous les ordres du maréchal de Mac-Mahon fut formée au camp de Chalons pour aller dégager Metz et venir au secours de Bazaine. Cette armée dite « armée de Chalons » comprenait la Division d'Infanterie de Marine.
Lors de sa difficile progression vers Metz, elle se heurta au gros des forces allemandes et dut se replier en direction de Sedan, qu'elle atteignit le 31 août. Le général de Vassoigne, commandant la Division d'Infanterie de Marine dite « Division Bleue », reçut l'ordre de tenir le village de Bazeilles qui couvrait les accès sud-est de Sedan.
Dans l'après-midi du 31 août, au prix d'intenses combats, les Marsouins de la division bleue rejetèrent à deux reprises les Bavarois sur la rive gauche de la Meuse. Le lendemain, 1er septembre, dès 4 h 30 du matin, l'ennemi s'engouffra de nouveau dans le village et une lutte acharnée repris entre les Marsouins et les Bavarois, qui avaient entre temps reçu des renforts considérables. Aux alentours de 11 heures, la «Division Bleue », submergée par l'adversaire, dut se replier sur les hauteurs de la Moncelle. Pour protéger leur repli, les marsouins se regroupèrent à la sortie nord du village dans l'auberge Bourgerie, que le commandant Lambert avait commencé à transformer en fortin. Ils y résistèrent pendant plus de trois heures face à un ennemi très supérieur en nombre. Vers 15 heures, le capitaine Aubert tira « la dernière cartouche ». Les survivants cessèrent le combat après avoir infligé de lourdes pertes à l'adversaire.
Un survivant de Camarón, le caporal Maine, était dans ce combat. Il n’a connu que des défaites.
L’auberge Bourgerie est devenue de nos jours un musée, celui de « la maison de la dernière cartouche ».
Les Bavarois les épargnèrent et laissèrent leur sabre aux officiers.
L’armée de Prusse et de Saxe encerclèrent Sedan, où l’armée française s’était repliée. Son objectif d’aller secourir Bazaine à Metz fut compromis. Coupée en deux et inférieure en nombre, Napoléon III capitula et fut fait prisonnier.

la dernière cartouche

La dernière cartouche


Dans la nuit du 3 au 4 septembre, les parisiens apprennent que l’Empereur Napoléon III avait été fait prisonnier. Les députés refusent de donner la régence à l’impératrice Eugénie. Elle fut confinée au Tuileries. Le corps législatif s’était réuni à 1 h du matin. La foule, qui avait manifesté toute la nuit, avait envahit le palais Bourbon. A 14 heures 30, Gambetta et Favre réussirent à entraîner les manifestants à l’hôtel de ville, où les révolutionnaires étaient déjà présents. D’où ils proclamèrent la République

La 3ème République fut proclamée le 4 septembre aux Tuileries.

C’est aussi le retour à Paris d’Amouroux, ce 4 septembre 1870. Il prit part au mouvement d'opposition et au gouvernement de la défense nationale. Il participa en qualité d’artilleur de la garde nationale à l'insurrection patriotique du 31 octobre et à la très républicaine « Ligue de défense à outrance». Il était aussi un des membres fondateurs de l'Association des Défenseurs de la République, pour le 4ème arrondissement.
Le 19 septembre 1870, les prussiens font le siège de Paris.
Le 7 octobre 1870, Gambetta quitta Paris en Ballon.
Le 27 octobre 1870, Bazaine rend les armes sans combattre à Metz.
Le 18 janvier, c’est la proclamation de l’Empire allemand.
Le 28 janvier, Paris capitule.
Par ailleurs, Amouroux avait fait partie de la loge maçonnique «Les amis de la tolérance». Candidat aux élections législatives du 8 février 1871, il n’obtint que 28 777 voix.
Le 17 février, la nouvelle assemblée, réunie à Bordeaux, nomma Thiers, chef du gouvernement.
Les convictions d'ordre national d’Amouroux expliquèrent le fait qu'il cherchait, en qualité de délégué du comité central de la garde nationale, à soulever les villes de province après l'insurrection parisienne du 18 mars.

Le 18 mars début de la commune

Les parisiens se sentent trahis par le gouvernement de défense nationale, qui avait capitulé face aux Prussiens. Des canons avaient été érigés par le peuple pour la défense de la capitale face à l’ennemi. Les soldats reçurent l’ordre de retourner l’arme contre le peuple. Ils refusèrent de tirer sur la foule. Le gouvernement d’Adolphe Thiers quitta la capitale pour s’installer à Versailles.
La garde nationale prit possession de l’hôtel de ville. Elle y organisa les votes.
Amouroux dira, sans faiblir, au Président, lors du procès du deuxième Conseil de guerre, que « Dans l'esprit des membres du Comité central, la conséquence de ce mouvement, le soulèvement de la province était le remplacement de Versailles par une Constituante qui décrèterait la continuation de la guerre».
Il fut chargé par le comité central d’une mission auprès des révolutionnaires de Lyon, il s’était donc rendu dans cette ville, et avait obtenu l’adhésion de 18 bataillons de la garde nationale sur 24. Il remplit la même mission à Saint Etienne, Toulouse et Marseille, où il était le 23 mars le jour du mouvement insurrectionnel, et de la mise en place de la commune. Narbonne était dans le même cas.

la garde nationale

Le 26 mars 1871, le comité central de la garde nationale, détenant le pouvoir dans la capitale, invita les parisiens à élire leurs représentants. Sur 485 000 inscrits, seulement 229 000 personnes remplissent les bulletins. Amouroux fut élu par le IVe arrondissement par 7 950 voix sur 13 910 votants. Il fit parti du conseil des 90 membres élus, qui s’installèrent à l’hôtel de ville.


Ils prirent le nom de Commune de Paris.

Désigné comme secrétaire de la Commune, il rédige les comptes-rendus pour le Journal Officiel de la Commune. Comme membre de la Commune, il vote, selon Le Figaro, les mesures les plus violentes. On l'accusera d'avoir poussé à l'exécution des otages et aux incendies. Il est l'un de ceux qui favorisent en avril le ralliement de la Commune et des francs-maçons, qui se prononcèrent en mai pour le «Comité de Salut public».
Pour l’information, le premier match international de rugby eut lieu le 27 mars 1871 en Ecosse contre l’Angleterre. Les locaux l’emportent.
Un autre combat attendait les parisiens et communards. Les premiers combats, entre fédérés et versaillais, eurent lieu le dimanche 2 avril 1871. Les banlieusards fondèrent sur la capitale. Pendant 2 mois, les 30 000 hommes de la garde nationale affrontèrent les hommes de Thiers.
Charles Amouroux fit partie dès avril de la Commission des relations extérieures. Il fut fait prisonnier dans le 16ème arrondissement sous un faux nom, lors de l'entrée des troupes de Versailles dans la capitale le 21 mai. C’est le début d’une semaine sanglante. Les quartiers capituleront les uns après les autres, malgré les barricades dressées par la population. Les pertes sont de 25 000 du côté des fédérés, (parmi lesquelles, on compte des femmes, des enfants) et de 1360 pour les versaillais.

peinture de la cantine municipale

Le 28 mai, la Commune de Paris fut écrasée dans le sang. En plus des victimes, s’ajoutent les incendies des tuileries, du palais de justice, du palais royal, et de l’hôtel de ville.
Amouroux, arrêté, fut conduit sur les pontons de Brest. Il tenta une évasion à la nage, repris en mer parce que reconnu lors de cette tentative.
Il est le 3 septembre à l’ouverture de son procès au conseil de guerre de Lyon. Il tentera de convaincre les juges du bien de la commune, ne se limitant pas à sa seule défense, assumant son rôle de meneur lors de d’insurrection dans cette ville. Le conseil de guerre le condamna à la déportation dans une enceinte fortifiée, le bagne. Il était à la barre pas comme un coupable, mais comme un accusateur.
Il fut expédié à la fin du procès directement à Riom, afin d’être encore jugé.
Le 6 décembre 1871, 1e Procureur général de Riom se plaignit au garde des Sceaux de la conspiration du silence, faite autour de l'affaire du 25 mars. Celui de Saint-Étienne, le 30 août 1874, s'écria: " Il est désolant de penser que certains individus pourraient tout éclaircir et que nous nous débattons dans le vague faute d'un témoin courageux et repentant. Le compte rendu officiel du Procès constata: Les assassins ont été nombreux; les témoins plus nombreux encore... pourtant il n'a pas été possible de découvrir d'indices de nature à mettre la justice sur la trace des meurtriers.
La complicité morale des autorités administratives de Saint-Étienne fut dénoncée par le Procureur de Riom.
Le procès dura vingt et un jours. 126 témoins furent entendus. Chastel et Caton, journaliste de la Commune, l'Italien Machetti, Tamet et Thibaudier, ces deux derniers accusés d'être affiliés à l'Internationale, furent condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée.
Le procès se déroula dans le calme, disait le rapport officiel. Vernet correspondant, et Kahn gérant de l'Eclaireur furent accusés d'avoir défendu les anciens membres de l'administration municipale, travestissant audacieusement la vérité. Vernet ne craignait pas de les représenter comme victimes des violences, auxquelles les magistrats et les avocats se seraient livrés envers eux. Il avait commencé par imaginer des scènes plus ou moins émouvantes, comme celles du trajet des accusés de la maison d'arrêt au palais de justice, où il était sensé donner lieu. Il fut condamné à six mois de prison et 1000 francs d'amende. Kahn fut frappé d'une amende de 200 francs.
En réalité, le ministère public se proposait surtout de faire apparaître le rôle et la personnalité d'Amouroux, membre et secrétaire de la Commune de Paris. Tandis qu'il opérait lui-même à Lyon, il avait subdélégué, par un écrit daté du 24 mars, les nommés Montcharmont et Saint-Hilaire pour révolutionner Saint-Étienne.
Amouroux se défendit habilement et sur un ton modéré, mettant au défi le procureur général de prouver qu'il était responsable de l'agitation de Saint-Étienne. Le mandat, délivré par lui à ses subdélégués et trouvé dans les salons de l'Hôtel de Ville de Saint-Étienne, montrait simplement qu'il était bien un émissaire de la Commune de Paris.
C'était assez pour que ce jeune ouvrier chapelier, quatorze fois condamné sous l'Empire, et proscrit, fût condamné à Riom à la déportation dans une enceinte fortifiée. Par la condamnation d’Amouroux, le jury a voulu protester contre cette prétention que la justice du pays ne s'associait pas à la sévérité des Conseils de guerre. En effet, le général Espivent, commandant Marseille où Amouroux fut également délégué, avait osé écrire au général Appert qu'il était inutile de juger Amouroux à Versailles, attendu que Marseille le condamnerait sûrement à mort. Il était difficile au jury de Riom de ne pas condamner l'accusé au bagne perpétuel. Elle se confondait d’ailleurs avec celle déjà prononcée contre lui à Lyon !
Les arrestations se poursuivirent longtemps encore jusqu'en 1874. Lorsqu'en 1873 une grève des mineurs se déclencha, le préfet de police écrivit au préfet de la Loire: « Je suis informé qu'une grève vient d'éclater à Saint-Étienne, elle est probablement l'oeuvre des délégués de l'Internationale qui ont dû se réunit clandestinement dans cette ville le 8 juin courant ».
La réaction se remettait difficilement de sa peur.
L'Internationale proscrite semblait quant à elle resurgir à chaque colère populaire.
Le spectre de la Commune les hantait régulièrement.

Le Préfet de L'Espée

Le 27 mars, l'Assemblée nationale décréta qu'il avait bien mérité de la patrie.
Ses funérailles, en grandes pompes, eurent lieu le 30 mars 1871 à la Grand'Eglise.
Le 24 mars au soir, Henri de l'Espée, 45 ans, qui vient d'être nommé Préfet de la Loire arrive à Saint-Etienne. Il se rend chez le général Lavoye, commandant la subdivision de la Loire, pour se concerter avec lui des mesures à prendre. Michel Rondet, un des fondateurs de la Fédération du Sous-SoI, l'accusera d'être responsable de la fusillade d'Aubin (Aveyron}, qui coûta la vie à 17 grévistes en 1869. Il s'en défendra, affirmant qu'à l'époque il était à Fourchambault. Il paraît cependant décidé à employer la manière forte. Il commence par convoquer la troupe de ligne et deux escadrons de hussards qui, au petit matin, prennent position aux abords de l'Hôtel de Ville. Les révolutionnaires, qui par ailleurs apprennent l'échec de l'insurrection lyonnaise, s'éparpillent. L'Espée commet alors l'erreur de faire afficher un texte quelque peu méprisant qui va réchauffer leurs ardeurs: « Arrivé cette nuit dans les murs de votre chef-lieu j'ai trouvé des factieux tentant de consommer un attentat contre l'ordre et les lois de la République... Puissamment secondé par l'autorité militaire j'ai pu convoquer la garde nationale de Saint- Etienne. La seule apparition de quelques bataillons, accourus avec un empressement dont je les remercie, a déterminé la complète retraite des séditieux. Vous comprendrez tous combien il faut que les lois soient, à l'avenir, respectées... »
L'émeute, dans l'après-midi du 25 mars, reprend de plus belle. Dans la ville, des personnalités dont les opinions conservatrices sont connues subissent des brutalités. Quelques membres du Conseil municipal proposent alors au préfet de retirer les troupes positionnées place de l'Hôtel de Ville, qui apparaissaient comme une provocation.
Le préfet accepte. Cela facilita au contraire la tâche des émeutiers. Vers 15h, des gardes nationaux et des militants du Comité central s'y portèrent en masse, bientôt renforcés par de nombreux ouvriers de la Manufacture.
Les drapeaux rouges flottaient au vent.
Soudain, un coup de feu retentit et un garde national, J.-B. Lyonnet, passementier de son état, tombe à terre. On prétend que le coup de feu a été tiré par M. Marx, propriétaire du magasin « A Sainte-Barbe » tout proche. La foule en fureur s'engorgea dans la boutique et le malheureux gérant, peut-être innocent, reçut un coup de révolver qui lui traversa la mâchoire. Dans le même temps, la mairie, (désertée par le maire) fut occupée. Le préfet de L'Espée fut arrêté et conduit dans la grande salle en compagnie de M. Gubian, substitut du procureur de la République. On exigea d'eux leurs démissions, Ils refusèrent. De L'Espée déclara: Vous me demandez ma démission et je ne suis ici que depuis hier; vous ne m'avez pas encore vu agir. Vous me demandez de proclamer la Commune et vous savez que je ne le puis, puisque je représente le gouvernement de Versailles.

Le Préfet de L'Espée

Le Préfet de L'Espée


Plusieurs gardes nationaux étaient particulièrement excités, tout particulièrement les nommés Fillon et Victoire. Plusieurs versions coururent sur les faits, qui se produisirent par la suite et qui furent à l'origine de la mort du préfet. Selon l’une d'entre elles, de L'Espée durant la nuit aurait saisi un révolver qu'il dissimulait sur lui et aurait ouvert le feu sur Fillon et Victoire, avant d'être abattu. Cette version des faits fut vite démentie. Le préfet avait été fouillé, et les deux gardes nationaux assassinés par des traces des balles de fusils et à coup de baïonnettes. Il semblerait que Fillon, décrit comme étant un faible d'esprit, aurait dégainé pour protéger les captifs, et ouvert le feu lors d'un mouvement de foule incontrôlé, tuant Victoire et blessant le tambour Jacob. Une fusillade anarchique aurait suivi, lui coûtant la vie, ainsi qu'au préfet.
Le 3ème conseil de guerre de Versailles, après délibération, condamna en mars 1872 Amouroux, aux travaux forcés à perpétuité pour sa participation aux actes de la Commune de Paris.
Devant ses juges, Amouroux avait défini la guerre civile de 1871 comme une regrettable catastrophe provoquée par la politique impériale. Il pensait alors à la revanche, qui permettrait de récupérer nos deux chères provinces, à savoir l'Alsace et une partie de la Lorraine qui étaient tombées dans le giron prussien.

Un déporté coopérant

Après l'insurrection de La Commune en 1871, des communards furent déportés en Calédonie. Le premier convoi arriva le 29 septembre 1872 par la Danae. Au total environ 5 000 communards furent déportés sur le Territoire. Ils furent installés dans la presqu'île de Ducos, à l'Ile des Pins et à Dumbéa ou l’île de Nou. Parmi ces déportés, il y eut des personnages célèbres, en particulier Louise Michel. Durant sa déportation, elle s'intéressa aux coutumes des Canaques, les décrivit avec considération et s'occupa d'eux avec humanité. Les pamphlétaires Henri de Rochefort et Pascal Grousset se signalèrent, en réussissant à s'évader.
Amnistiés le 3 mars 1879, les déportés de la Commune regagnèrent la Métropole dans leur quasi-totalité.
La France déporta également à partir de 1871 des Kabyles, qui s'étaient opposés à la conquête de l'Algérie. Pour la plupart, ils restèrent sur place. Ils ont fait souche notamment dans la vallée de la Nessadiou prés de Bourail. Au col de Nessadiou, il y a toujours un cimetière arabe.
Ces Kabyles sont, depuis plusieurs générations, parfaitement intégrés chez les Calédoniens.

La pénitentiaire

L'administration pénitentiaire était très puissante. Autonome en 1875, elle devint une sorte d'Etat dans l'Etat. Elle gérait de nombreux établissements pénitenciers : île Nou, Ducos, Dumbéa, île des Pins, Ouégoa, Téremba, etc.
Très gourmande en terres, la pénitentiaire se délimita une réserve qui atteint 110 000 hectares. Celle-ci ne fut que très partiellement utilisée. Mais, elle contribua gravement aux spoliations des mélanésiens, et fut à l’origine des insurrections de 1878 et 1911 et des revendications foncières du mouvement indépendantiste kanak.
L'objectif de colonisation pénale était officiellement de peupler la colonie de la Nouvelle-Calédonie et de régénérer les condamnés. A partir de 1869, l'administration institua des concessionnaires pénaux, auxquels elle leur attribua des terrains de 4 à 5 hectares, qu'ils devaient mettre en valeur pour en obtenir à terme la pleine jouissance. Ils devaient ainsi se réhabiliter par le travail, l'objectif étant de créer vallée après vallée des colonies de paysans. C'était le grand dessein du gouverneur Guillain. Les concessions étaient attribuées à l'origine aux meilleurs sujets à la fin de leur peine. A partir de 1878, l'accès aux concessions fut étendu aux condamnés en cours de peine. Avec cette nouvelle réglementation et à partir de 1882, sous l'impulsion du gouverneur Pallu de la Barrière qui voulait vider le bagne, le rythme d'octroi des concessions augmenta fortement jusqu'à ce que les colons libres obtiennent à partir de 1886 une plus grande rigueur. S’en suivi une décrue, l’échec de l'objectif de peuplement.
Déporté en Nouvelle-Calédonie, Amouroux va connaître trois années de souffrance à l’île de Nou, avant de revenir sur la Grande-Terre.
L’île de Nou est de nos jours le quartier appelé Nouville de Nouméa.

carte de la Nouvelle Calédonie

A Canala, sous les ordres du lieutenant Servan, il était employé aux ponts et chaussées, un poste où il était apprécié, bien noté, laissant la réputation d’un des plus infatigables travailleurs qui aient jamais paru sur les chantiers de la transportation. Mais, il va plus loin. Sa conduite, plus que soumise pendant les heures de repos, était décriée. Maxime Lisbonne avait écrit : « il s’employait à couvrir de paille les gourbis des surveillants, il faisait le jardin des surveillants militaires de Nouméa et les servait à table »
Lorsque l'insurrection canaque éclata en 1878, Amouroux alors cantonnier sous le numéro de matricule 3779 se rangea du côté de la civilisation française contre les tribus révoltées. Avec une compagnie franche, formée de trente Communards de Paris et de Narbonne, sous les ordres du commandant Rivière, il marcha en avant-garde pour la protection de la race blanche contre l'ennemi.
Cet engagement va être diversement apprécié, à gauche notamment. Il est vrai que le Gouvernement, pour témoigner sa reconnaissance, va commuer sa peine en dix ans de bannissement en juin 1879, avant de le gracier en 1880. Selon diverses sources, Amouroux et ses hommes auraient contribué grandement à la pacification de l'île grâce à leur comportement vis-à-vis des insurgés. L’action de ce détachement de communards qui, en faisant un maximum de prisonniers, a rendu plus de services qu'aucune troupe régulière.
Cette défense des colons menacés et cette politique de conciliation d'Amouroux lui vaudront la reconnaissance, non seulement de son chef, le lieutenant Servan, qui restera son ami, mais aussi des milieux conservateurs, admiratifs malgré les divergences politiques qui l'en séparaient. Ils estimaient qu'Amouroux était d'abord un bon Français. Il va sans dire que du côté de certains socialistes révolutionnaires ont pensé que la révolte des kanaks spoliés était juste, et qu'il était aberrant que des insurgés de 1871 aient participé à une quelconque répression dont ils avaient été eux-mêmes des victimes.
Les bagnards étaient employés aux travaux d'intérêt général de la colonisation. A Nouméa, on leur doit les importants travaux de remblaiement du centre ville. Ils firent aussi l'exploitation de forêts et l'ouverture des routes. Les bagnards travaillaient aux constructions et projets divers de l'administration pénitentiaire.
Ils furent en outre utilisés pour des intérêts privés. En 1866, le Gouverneur Guillain créa les "assignés", condamnés distingués par leur bonne conduite et qui étaient autorisés à travailler chez les particuliers. En 1875, le budget sur Ressources Spéciales fut institué et l’administration put passer des contrats de travail avec des particuliers, notamment dans la mine. Ainsi, la pénitentiaire loua pour un prix dérisoire au mineur Higginson 300 forçats, pour 20 ans

En 1878 la coupe est pleine...

Ataï, Grand Chef de Komalé, va devenir l'âme de la grande révolte sanglante, qui a profondément marqué les colons de plusieurs générations et le monde mélanésien jusqu'à nos jours.
Les origines : avec la prise de possession en 1853, les mélanésiens ne sont plus propriétaires de leur terre. Initialement, ils ne virent pas cette mainmise. Ils comptaient profiter des richesses du monde qui les colonisaient. Jusqu'à 1858, les attributions de terres aux colons se font selon un régime d'occupation restreinte aux environs des places fortes garantissant la sécurité. Ces aliénations ont donc un impact limité sur les terres des mélanésiens et portent surtout sur la région de Nouméa.
En renonçant en 1858 à ce système, l'Administration coloniale lance une colonisation disséminée qui va ouvrir un front pionnier allant de Nouméa à Poya, qui est a l'origine du conflit foncier et empoisonnera les relations avec les mélanésiens jusqu'à nos jours. De 1862 à 1870, sous le gouverneur Guillain, l'emprise foncière européenne passe de 27 000 à 78 000 ha. En 1877, son successeur, le gouverneur La Richerie, facilite encore plus l'accaparement. Le patrimoine européen atteint 150 000 ha. En assimilant les jachères à des terres vacantes qu'elle accapare, l'administration déstabilise l'économie des mélanésiens, leur espace est désormais éclaté. Ils sont repoussés dans les hautes vallées de la chaîne sur des terrains de moindre qualité. Le bétail des colons, élevé sans clôtures, divague et détruit les tarodières, (taro, plante tropicale dont le tubercule est comestible) et champs d'ignames (igname, plante tropicale dont le tubercule est riche en amidon) et d’autres espaces cultivés par les mélanésiens.
Jusqu'à 1869, les conflits étaient ponctuels, organisés par des chefs rebelles, ou colonisateur, ou mécontents de leurs relations avec l'Administration coloniale. En 1878, avec la progression importante du front pionnier, le malaise atteint profondément l'ensemble de la population mélanésienne de la Grande Terre.
L'objectif d'Ataï et des autres chefs kanaks aurait été Nouméa. En attaquant par surprise le coeur même de la colonisation, il pouvait déstabiliser profondément celle-ci. Les préparatifs furent conduits dans le plus grand secret. Plusieurs clans étaient impliqués dont ceux de Houailou et Canala. Si Ataï a été l'homme symbole de cette révolte, les promoteurs en seraient d'autres chefs et notamment Cavio chef de Nékou secondé par Dionnet chef de guerre à Bourail selon Amouroux (1881). La date, symbolique, aurait été fixée au 24 septembre, date anniversaire de la prise de possession. Mais, d'autres témoignages indiquent qu'elle aurait été prévue pour la fin de la récolte des ignames en juillet, ou même selon Rivière dès le 26 juin.
Mais, un évènement imprévu va accélérer les évènements. Le 19 juin 1878 à Ouaménie, la famille Chène, gardiens de la propriété Dézarnauld, est sauvagement assassinée par un groupe de mélanésiens. Chêne était un ancien forçat qui avait épousé une femme indigène de Poquereux nommée Medon. L’Administration réagit en incarcérant 10 chefs de tribus. La pression devient alors très forte. L’objectif Nouméa est abandonné. Il est remplacé par une série d'attaques, visant l'ensemble du front pionnier de Poya à la Baie Saint Vincent, la Foa région de colonisation importante et abritant de nombreux clans mélanésiens.
Le 25 juin, les 4 gendarmes de La Foa furent assassinés et les kanaks massacrèrent la plupart des colons, propriétaires et gérants, de la région depuis le Dogny jusqu'à Fonwhary en passant par Farino. Un total de 40 civils furent tués. Ce fut ensuite au tour de Bouloupari. Au sud, le 26 juin, le poste de gendarmerie fut détruit, et la plupart des habitants assassinés. Au nord, Moindou est attaquée le 21 août, puis Poya les 10 et 11 septembre. Un canot de ravitaillement avec 10 hommes fut surpris sur l'estuaire de la rivière Poya. Les victimes sont toutes tuées. A Bourailles, des colons arabes sont également attaqués. Ce fut une erreur stratégique, car eux ils étaient de véritables guerriers. Ils sont mis à la disposition des forces militaires, et participeront à la répression avec férocité.
La résistance des militaires s'organisa dans le fort Téremba, où il y avait une petite garnison qui fut assiégée, mais pas prise.
A Nouméa, ce fut la panique. On croyait que l'avance des insurgés allait se poursuivre vers le sud. Une vingtaine de mélanésiens fut exécutée à Dumbéa des Ouamous, suite au pillage d'un magasin. 130 mélanésiens, vivant à Nouméa, furent internés sur l'île Nou.
Le commandant Gally Passeboc prit la tête de la contre offensive. Mais, il ne mesurait pas l'importance des forces adverses et ne sut réagir de façon appropriée face à une guérilla, dont les actions se font par surprise. Il fut tué dans une embuscade le 3 juillet. Son second Rivière le remplaça. Il avait compris qu'il fallait employer des méthodes identiques à celles des Kanaks. En juillet et en août, les militaires s'enlisent dans une guérilla peu glorieuse, brûlant les villages, détruisant les récoltes, mais n'arrivant pas à cerner les insurgés. La construction d'un fort à La Foa, terminée le 24 août, fut décisive, car elle rapprochait les bases des militaires français et favorisait les effets de surprise. La garnison y était de 80 hommes. Comprenant le danger qu'il représente, le fort est attaqué par 500 guerriers Kanaks. Mais, ils échouèrent.
Le lieutenant de vaisseau Servan, basé à Canala, réussit avec une audace extraordinaire à faire rallier le grand Chef des Canala, Gélina, et surtout son chef de guerre, Nondo, avec les Canala. Il marcha ensuite sur La Foa. Ce fut un retournement important. Les kanaks furent gravement divisés.
Le 1er septembre à Fonimoulou, les troupes françaises, renforcées par les kanaks de Canala et les arabes, attaquent par surprise. Ils progressaient hors des sentiers kanaks, formant trois colonnes qui cernèrent le périmètre des insurgés. Ataï fut surpris dans son campement par un détachement, commandé par le breton le Golleur, accompagné des guerriers de Canala, dont le guerrier Segou après un court instant d'hésitation osa lancer sa sagaï sur Ataï et le tua. La tête d’Ataï fut coupée et envoyée en trophée à Paris.
Ma1grè la mort d'Ataï, l’insurrection continua mais les insurgés furent déstabilisés et des renforts d'infanterie de marine arrivèrent d'Indochine, depuis le 18 août 1978. A partir de septembre 1878, la région de La Foa-Moindou fut pacifiée. Le foyer de l'insurrection est plus au nord à Paya et Bourail. Mais, les insurgés étaient harcelés.
L'insurrection fut définitivement matée avec la chute de la forteresse kanake d'Adio, en décembre 1878.
L'objectif de la colonisation pénale était officiellement : de peupler la Nouvelle-Calédonie et de régénérer les condamnés. À partir de 1869, l'administration institua des concessionnaires pénaux, auxquels elle attribua des terrains de 4 à 5 hectares qu’ils devaient mettre en valeur pour en obtenir à terme la pleine jouissance. Ils devaient ainsi se réhabiliter par le travail, l'objectif étant de créer vallée après vallée des colonies de paysans. C’était le grand dessein du gouverneur Guillain. Les concessions étaient attribuées à l'origine aux meilleurs sujets à la fin de leur peine. À partir de 1878, l'accès aux concessions fut étendu aux condamnés en cours de peine. Avec cette nouvelle réglementation et à partir de 1882, sous l'impulsion du gouverneur Pallu de la Barrière qui voulait vider le bagne, le rythme d'octroi des concessions augmenta fortement, jusqu'à ce que les colons libres obtiennent à partir de 1886 une plus grande rigueur.
En 1897, c’est la fin de la transportation au bagne, et le constat d’échec sur l'objectif de peuplement.

Radical et social

De retour en France par La Creuse, début 1880, Amouroux rejoignit Paris pour reprendre du service à Belleville. Mais, on le remarqua, dès avril, dans les couloirs du Palais Bourbon et il fut candidat aux élections sur une base archi-républicaine et toujours patriotique. Il s'en prit aux manœuvres du socialisme césarien. On le disait adversaire de l'anarchie et de la collectivité. En effet, s'il se voulait toujours révolutionnaire et partisan de l’affranchissement du travailleur, il s'élevait contre ceux qui préconisaient la révolution violente, ceux qui à tout moment parlaient de prendre le fusil. C’était un infatigable militant ouvrier. Il voulait imposer, à droite comme à gauche, l'esprit de la solidarité, désirant le triomphe de la République par le bulletin de vote. Amouroux était alors l'un des animateurs principaux de l'Alliance socialiste républicaine, qui militait pour un programme peu réalisable tant en politique que économique. Il repoussa ainsi toute tentative violente, toute guerre civile, estimant que l'anarchie est la source du despotisme, la doctrine la plus antisociale et la plus antirépublicaine, mais aussi que le socialisme autoritaire n'était pas la solution. En tant que franc-maçon, on le signala comme membre de la loge, « la Ruche libre ». Il appela à l'union de tous les républicains socialistes pour combattre l'opportunisme de Gambetta. Sa candidature aux municipales ayant été adoptée dans les réunions publiques, il doit faire face à une série d'attaques de la part des socialistes révolutionnaires, en particulier Rouillon, concernant son comportement en Nouvelle Calédonie vis-à-vis de l'insurrection des Kanaks, des gens qui défendaient leurs droits et leur liberté.
Amouroux est accusé d'avoir fait des courbettes pour obtenir sa grâce. Mais, il assuma avec virilité ses convictions. Il n'hésita pas à faire appel à l'officier de marine Servan pour laver son honneur. Ce dernier lui délivra un certificat de courage. Face à ses détracteurs, il se montra déterminé et déclara sa haine à tous ceux qui fouillaient dans les marigots et faisaient parler les cadavres. Amouroux, comme son ami Malon, se voulait défenseur naturel du prolétariat, déclare ici et là qu'il n'était pas partisan de la révolution violente, ce qui ne l'empêcha pas de se présenter aux législatives sous le drapeau du socialisme ouvrier. Amouroux, affirma soutenir la classe du travailleur. Il se définit comme communaliste et partisan de l'autonomie de la Commune, persuadé que c'est le seul moyen de mettre la République à l'abri des coups d'État et des dictatures.
Battu à Saint-Etienne en août 1881, Amouroux fit ensuite campagne aux municipales dans le quartier de Charonne à Paris, où il fut élu fin Octobre. Il se fit remarquer par des prises de bec, qui l'opposait entre autre au blanquiste Levraud en 1882, mais aussi par ses prises de position dans Le Radical contre le Parti Ouvrier. Il estimait que l'union était nécessaire à l'affranchissement des salariés, contrairement aux rivalités de personnes. Il ira jusqu'à estimer que les théories sur la question des classes ne débouchent que sur la division. Ses votes au conseil municipal seront mis en cause, car il s'était élevé en 1883 contre une proposition de Joffrin visant à mettre sur pied une milice chargée de la garde de la cité, et contre une proposition de Chabert en 1884 pour qu'une indemnité soit accordée aux survivants de la Commune.
Amouroux critiqua le programme du Parti Ouvrier, car il était d'après lui : « rempli de mots ronflants, il affirme que le sien n'a pas changé depuis 1863, et j'ai fait neuf ans de bagne pour l'avoir soutenu en 1871: Vous vous dites communistes poursuit il moi je ne le suis pas ; vous voulez former une classe à part et supprimer la bourgeoisie, moi je veux l'union, vous voulez supprimer le bourgeois, moi je veux, par mes efforts, arriver à élever le prolétaire au rang de la bourgeoisie au lieu de faire descendre le bourgeois au rang des prolétaires, et je trouve que c'est préférable. Vous voulez créer un quatrième Etat, c'est-à-dire un Etat dans l'Etat, mais ce serait la décadence de la France et la destruction de la République. C'est pour toutes ces raisons que je vous ai toujours combattues et que je vous combattrai toujours ».
Sa priorité était donc la défense de la République. Lorsqu’on lui demandait sous quel drapeau il se rangerait si elle était menacée, il répondit: « Si la République était menacée par les monarchistes et que le drapeau tricolore soit là pour la défendre, je me rangerais sous ses plis, mais si, comme en 1871, elle était menacée par ce même drapeau, je me rangerais sous le drapeau rouge ». En mai 1884, celui que l'on désignait avec méchanceté comme un ouvrier chapelier était en réalité politicien de profession, un socialiste indéfini, et un publiciste. Il est réélu au premier tour à Charonne. S'il était à ce moment là question de lui pour la présidence du Conseil municipal de Paris, Amouroux resta surtout l'un des animateurs du groupe autonomiste qui réclamait, en décembre 1884, au nom de la souveraineté absolue du suffrage universel, la mise en oeuvre d'un vaste programme de réformes républicaines où figurerait la suppression du Sénat, la réforme de l'impôt, la séparation de l'Église et de l'État, l'élection de la magistrature.
Néanmoins, il resta soucieux de la crise qui atteignait la classe ouvrière et montrait qu’il était toujours attaché au souvenir de la Commune. La Bataille du 16 décembre 1884 signala qu'il était présent à la réunion préparatoire pour élever un monument à Delescluze et aux Fédérés. Quelque temps après dans Le Cri du Peuple, il signera l'appel aux Anciens combattants de 1871 pour les obsèques de Vallès.
En Mars 1885, Amouroux, qui souffrait déjà d'une terrible maladie, fut de nouveau sollicité pour se présenter comme candidat aux élections législatives: « J'irai à Saint-Etienne écrit il pour continuer la lutte que nous avons menée ensemble en 1881 pour l'affirmation de la République démocratique et social ». C'est à ce moment-là que rebondit l'affaire de la répression contre les Canaques, sur fond de lutte politique entre les révolutionnaires et les réformistes. Maxime Lisbonne, dans L'Ami du Peuple du 27 novembre 1884, avait déjà réveillé le souvenir de cet épisode problématique: L'insurrection kanake éclata et le lieutenant Servan confia au citoyen forçat Amouroux le commandement de vingt forçats pour aller la combattre. Amouroux ne se souvenait pas qu'il ait été membre de la Commune et qu'il combattait des hommes qui voulaient conquérir leur liberté, leurs droits, absolument comme lui en 1871.
En cette année 1885, Allemane revient à cet épisode sans pitié. Il se proposa d'envoyer aux électeurs de cette circonscription la biographie d'Amouroux, dans laquelle il ferait ressortir la conduite plus que soumise de ce dernier en Nouvelle Calédonie ; « Le Prolétariat» du 21 mars 1885 signale qu'Amouroux laisse, Joseph politique, son pardessus dans sa circonscription, et va en caleçon à Saint-Etienne tenter de décrocher sa timbale électorale. Nous devions à nos amis toute la vérité sur cet ancien terrible chapelier de la Commune, devenu simple Tolain au conseil municipal de Paris, où il votait contre les propositions de Joffrin et de Chabert, maintenant en marche pour un Nadaud opportuniste. Sa conduite est claire maintenant comme de l'eau de roche. Il n'en est pas moins utile de publier sa biographie ».
Ces opinions socialistes peuvent paraître sévères, dans la mesure où Amouroux se présenta avec succès le 5 avril contre un candidat opportuniste à Saint-Etienne. Selon l'Intransigeant, la foule 1'acclama avec enthousiasme et chanta la marseillaise. Certes, il siégea au Palais Bourbon aux sommets de l'extrême gauche. Il n'en reste pas moins qu'il avait été élu avec l'étiquette radicale sociale.
Dans son texte de remerciements aux électeurs paru dans « Le Radical» du 13 avril 1885, il n'est pas question de la Commune de 1871, mais de la «Révolution française» antimonarchiste et anti-opportuniste. Une perle de presse, sous forme d'un point d'interrogation, concluait son article: «Vive la République démocratique et sociale».
« Le Prolétariat» du 9 mai 1885 le rappelle à l'ordre sur le chapitre social, car pour eux il s'agit non d'aider l'élection des bourgeois, mais de préconiser des candidatures ouvrières. A l'époque, des combinaisons électorales comprises entre Chefs blanquistes et Chefs du Parti Radical existait aussi. Amouroux le savait, d'où cette remarque dans ses remerciements aux électeurs: Je ne suis pas de ceux qui se laissent aveugler par l'esprit de parti.

Obsèques tricolores

Le 26 mai 1885, lors des obsèques d'Amouroux, secrétaire de la Commune de 1871, le 117e de ligne, avec son drapeau tricolore, sous les ordres du Colonel Voutey, lui rendit les honneurs militaires à la maison mortuaire, 37 cours de Vincennes. Dans le cortège qui allait jusqu'au Père-Lachaise, on remarquait une trentaine de députés, ceints de leur écharpe tricolore.
Au cimetière, quinze discours plutôt modérés furent prononcés dans le calme. Cela s’avère une cérémonie étonnante, car l'avant-veille, lors de l'enterrement du Communard Cournet, de très graves incidents avait opposé la police et les manifestants anarchistes. Cette violence fit l'objet d'une interpellation à la Chambre. L'explication de cette sérénité d'un jour résidait à coup sûr dans la personnalité d'Amouroux, républicain, patriote et Communard.
Fin Mai 1885, il était question de la maladie d'Amouroux. On parlait de phtisie (tuberculose pulmonaire), à laquelle s'ajoutait une fièvre typhoïde, qui s'aggrava d'un coup. Il mourut le 23. Une disparition saluée ainsi par un journal conservateur: «Quoique de profondes divergences politiques nous séparassent de lui, nous avions conçu une telle estime pour son caractère, et nous avions exprimé avec tant de sincérité l'admiration que nous avait inspiré son rôle en Nouvelle-Calédonie pendant la révolte des kanaks, que des relations cordiales existaient entre lui et plus d'un rédacteur de ce journal. Le député intransigeant qui meurt aujourd'hui, laissant une jeune veuve inconsolable, était en même temps un bon Français ; nous ne saurions l'oublier, et nous tenons à exprimer aux siens tous nos regrets ».
« L'enterrement de Monsieur Amouroux député de la Loire, selon le commissaire Clément se déroula du début à la fin dans le plus grand ordre. On ne signala aucun incident lorsque la troupe rendit les honneurs militaires au député défunt, malgré la présence de 6 à 7 000 personnes. Lorsque le convoi quitte la maison mortuaire suivi par une trentaine de députés avec leurs insignes, un grand nombre de conseillers municipaux, cinq corporations avec leurs bannières, plusieurs loges maçonniques dont celle des «Droits de l'homme», des représentants des comités radicaux, de L'alliance socialiste républicaine, de La Libre pensée, et une foule de manifestants évaluée à 3 500 ou 4 000 personnes, une brigade de gardiens de la paix l'accompagnèrent sur le côté droit sans que cela pose problème. On remarqua aussi de nombreux représentants de la presse dans ces obsèques médiatiques qui attirent jusqu'à 10 000 curieux.
Si l'on nota le déploiement de trois drapeaux rouges dans le cimetière, il n'en resta pas moins que la cérémonie avec les élus et son caractère corporatif était respectable. Un rapport de police précisa que peu de socialistes ont suivi le convoi. Contrairement aux journées précédentes, les anarchistes ne se sont pas montrés, affirma un autre, bien qu'un indicateur en repéra une vingtaine. Ceux-ci se firent discrets. Il est cependant probable que ce sont eux qui ont crié «Vive la Commune! » au moment de l'apparition des drapeaux rouges, la foule restant indifférente. Pour sa part, le commissaire Clément n'a rien entendu, puisqu'il rapporte qu'aucun cri séditieux n'a été poussé, ni à l'entrée ni à la sortie de la nécropole.
Une seule exception remarquée: ce cri anonyme de «Vive la Commune! » pendant le discours d'Eudes qui parlait au nom des Anciens combattants de 1871 devant le caveau provisoire. Un informateur conclut ainsi ses observations : Il n'y avait pas de groupes révolutionnaires proprement dit, mais seulement quelques socialistes isolés! A la fin de la cérémonie, ils ne furent qu'une dizaine d'individus, des anarchistes, à se rendre sur la tombe des fédérés, tandis que la foule se dispersait rapidement et très calmement.
Les colonnes du bulletin des Amis de la Commune de Paris furent ouvertes à tous celles et ceux qui, dans leurs articles, traitent de l'histoire de cet événement. Le Comité de rédaction, soucieux de préserver la liberté d'expression de chacun des auteurs, rappela que le contenu des articles n’engageait que leur signataire.
Au commencement était le Peuple, jusqu'alors soigneusement tenu à l'écart de la chose publique. Celui-ci s'invita brusquement dans la politique en 1789, suite à la prise de la Bastille, puis aux journées des 5 et 6 octobre. Les élites aristocratique et bourgeoise apeurées s'ingénient à évincer ce peuple indocile et encombrant du corps électoral. Ainsi, naquît la distinction entre citoyenneté «active» et citoyenneté «passive», découlant le suffrage censitaire à la faveur de la mobilisation populaire de l'été 1792 et de l'abolition de la royauté. Le suffrage universel masculin fut promulgué. Se posa alors avec acuité la question du choix entre démocratie représentative et démocratie directe.
Désormais, pleinement citoyen, le peuple investit massivement les sections et les clubs et élabora un système politique inédit le gouvernement direct. Ce modèle regarda la souveraineté populaire comme imprescriptible, inaliénable et indélégable. Les élus du peuple, parce qu'ils étaient nantis d'un mandat impératif, furent désignés sous l'appellation de mandataires. Ils devaient être contrôlés et pouvaient être révoqués à merci.
Cette expérience unique et exaltante fut malheureusement de courte durée.
La démocratie directe resta sous le boisseau pendant près de quatre-vingts ans.

la tombe de Amouroux

L’idée communaliste

Bien entendu, il y eut 1848. Mais, force est d'admettre que la phase d’illusion lyrique, celle où l'on rêvait haut et fort d'une République démocratique, fraternelle et sociale, fut bien éphémère. Et, si le suffrage était universel masculin, il fut promptement statué sur la nature du régime. Il serait de type représentatif et certainement pas direct.
Du scrutin du 23 avril, s'ensuivit l'instauration d'une Assemblée constituante, composée majoritairement d'éléments modérés qui n'hésiteront pas deux mois plus tard à recourir à la violence la plus extrême pour noyer dans le sang les légitimes revendications des insurgés de Juin. Ainsi, fut porté un coup d'arrêt, sec et fatal, aux aspirations démocratiques et sociales.
Il fallut attendre un quart de siècle pour revoir l'esprit révolutionnaire et démocratique de l'an II.
Aussitôt la République proclamée, dans chaque arrondissement parisien, s'institua un comité de vigilance, une vertu de la République chargé de porter un regard attentif et aiguisé sur les actes des maires désignés par le Gouvernement de la Défense nationale. Les comités de vigilance se réunirent le 5 septembre 1870. Ils prirent le nom de Comité central républicain des vingt arrondissements de Paris.
Non contente de constituer un véritable contre-pouvoir face aux autorités gouvernementale et municipale, cette organisation fut la première à exiger l'instauration de la Commune et l'exercice plein et entier de la souveraineté populaire. Elle fut pour beaucoup dans la maturation et la propagation de l'idée communaliste.
Ce n’est qu'après le 18 mars, au printemps de 1871, qu'advinrent une vraie République et une démocratie authentique, incarnant l'application du principe de Gouvernement du Peuple par le Peuple pour le Peuple. Aussi, les élus de la Commune ne furent-ils pas dénommés représentants, mot de la 2ème République, ni députés terme en vigueur sous le Second Empire, mais mandataires.
Les membres de la Commune étaient investis d'un mandat impératif, révocable à tout instant s'ils s'aventuraient ou se montraient incapables de le mener à bien.
Après avoir enduré l'Empire pendant vingt ans, la population était avide de libertés et assoiffée de justice.
Le peuple d'en haut et celui d'en bas communiaient dans un même idéal.
En haut, un Pierre Denis, l'idéologue proudhonien du «Cri du Peuple» estimait qu'était révolue l'époque où le peuple était comme « un troupeau appelé à jour et heure fixes par ses gouvernants à voter son abdication de tout pouvoir et de tout droit ». II considérait que « la souveraineté nationale étant dans le suffrage universel lui-même, ce dernier avait toujours le droit de se convoquer, c'est- dire que ce droit appartenait à tout groupe d'hommes qui avaient à consulter l'opinion sur une idée, sur un fait surtout, quand les événements sollicitaient et nécessitaient cette consultation ».
En bas, le peuple, par les rues de la ville révoltée, dans les clubs, dans la Garde nationale, redoublait de vigilance, exerçait son droit de contrôle et, inlassablement, discutait les actes de la Commune, allant, si le besoin s'en faisait sentir, jusqu'à la critiquer sans ménagement. Ainsi, « Le Prolétaire» avertit ses membres de la sorte: « Ne vous pressez donc pas de juger et de décider au nom du peuple et à sa place. Restez dans votre rôle de simples commis. Serviteurs du peuple, ne prenez pas de faux airs de souverains, cela ne vous sied pas mieux qu'aux despotes auxquels vous avez succédé. Vos personnes sont de peu de poids dans les balances de la Commune. Le peuple est las des sauveurs; il entend dorénavant discuter leurs actes ».
Et lorsque les ouvriers boulangers s'en allèrent en délégation à l'Hôtel de Ville remercier l'Assemblée communale d'avoir aboli le travail de nuit, le même « Prolétaire » lança ouvertement: « Le peuple n'a pas à remercier ses mandataires d'avoir fait leur devoir; ils seraient criminels en ne le faisant pas; c'est une habitude fâcheuse d'aller leur rendre grâce pour avoir pris une mesure qu'ils auraient été coupables de ne pas édicter. N'oublions jamais que c'est la reconnaissance des peuples qui fait les tyrans ».
A plusieurs reprises, les élus de la Commune furent sommés pendant leurs mandats de justifier leur manière d'administrer l'arrondissement que leur avaient accordé les suffrages, ou d'expliquer leur conduite à l'Hôtel de Ville. Le 20 mai 1871, eut lieu au théâtre lyrique, en présence de quelque deux mille électeurs, une reddition de comptes en bonne et due forme. Les cinq membres de la Commune élus par le 4ème arrondissement : Charles Amouroux, Arthur Arnould, Adolphe Clémence, Gustave Lefrançais et Eugène Gérardin se prêtèrent à cet exercice de bon gré.

Guide visite du bagne

le bagne le bagne

Le projet de colonisation pour la Nouvelle Calédonie fut déposé sur le bureau du ministre de la marine et des colonies en 1855. Il se concluait de la façon suivante: « On ne colonise pas avec des enfants de chœur ». Sur ce caillou, se sont donc mêlés des marchands, des fabricants, des matelots, des chercheurs d'or ou de nickel, des colons et soldats, des missionnaires et ouvriers de la transportation. C'était ainsi qu'on nommait les premiers bagnards à leur arrivée sur l'île en mai 1864. L'empereur Napoléon Ill, qui pensait trouver dans la colonisation une solution à la délinquance, avait en effet conçu le projet d'établir les pénitenciers dans les îles les plus lointaines. À quelques 20 000 km de Paris, la Nouvelle Calédonie faisait admirablement l'affaire.
De 1864 à 1898, elle hébergera en tout 40 000 condamnés qu'on armera de brouettes, de pelles et de pioches, de faucilles, de marteaux, et qu'on rassembla dans des forges, des scieries, des fermes, dans des ateliers de tailleurs ou de cordonniers.
Ce fut un exil laborieux et doré, en somme, pour ces ouvriers de la transportation, qui se font remarquer par leurs qualités d'artisans, qui font de la musique, qui gardent les gosses des familles nouméennes et repassent le linge des élégantes.
Il en reste peu de choses aujourd'hui. Durant des générations, on a voulu faire oublier cette période tabou. On a tout fait pour effacer l'ombre du bagne, en rasant les murs de la Pénitentiaire, en brûlant les archives, en laissant les banians dévorer de leurs racines les cellules des condamnés.
Pourtant depuis quelques années, les choses changent. Les Calédoniens revendiquent davantage leur identité, leurs origines. Et, on se penche plus facilement sur cette période douloureuse, longtemps couverte d'une chape de plomb.
Des associations ont mis en valeur par des travaux les activités et les réalisations, ainsi que les bâtiments que l'on doit à ces bagnards qui ont si durement trimé.

carte d'Amouroux
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